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La névrose obsessionnelle, le conjoint et l’agressivité larvée

 
S’il a fallu attendre la fin du 19ème siècle pour que Freud découvre la névrose obsessionnelle, c’est en raison notamment de cette tendance par laquelle le névrosé cache, à lui-même et aux autres, sa symptomatologie.
 
Tyrannisé par une tendance au conformisme face à laquelle il peut opposer un anticonformisme - auquel il doit finalement se conformer - le névrosé obsessionnel dissimule souvent ses propres symptômes en les jugeant comme des tares. 
 
Si les mécanismes de défenses du névrosé obsessionnel (notamment l’isolation psychique et l’annulation rétroactive) lui permettent de dissimuler ses troubles de la pensée en créant ou en adhérant à des systèmes de pensées qui les atténuent et les justifient, il n’en demeure pas moins que ces symptômes ne sont pas sans effets, notamment sur le conjoint
 
À la différence par exemple de la symptomatologie bruyante de l’hystérie, la symptomatologie obsessionnelle est plus discrète, plus silencieuse : les effets de sape qu’elle produit dans le couple ne sont-ils pas d’autant plus délétères qu’ils passent inaperçus ? 
 
Pour tenter de répondre à cette question, nous pouvons examiner comment le névrosé obsessionnel manifeste son agressivité à l’égard de son conjoint : elle se manifeste de manière larvée
 
En effet, la tendance à saboter le désir de l’autre du névrosé obsessionnel ne se manifeste pas directement mais plutôt dans la répétition de petites actions, ou inactions, qui peuvent difficilement lui être reprochées. 
 
Qu’elles se manifestent par des retards réguliers, par une avarice bien rationalisée ou dans une procrastination qui pèse sur le couple et sur son fonctionnement, le sabotage par lequel l’obsessionnel sabote son propre désir et celui de son conjoint peut s’opérer de manière très discrète. 
 
Et cette forme d’agressivité larvée est d’autant plus difficile à démasquer que le névrosé s’en défend, pouvons-nous dire, avec bonne foi. 
 
En effet, l’annulation rétroactive et l’isolation psychique qui structurent l’organisation psychique du névrosé obsessionnel lui permettent de minimiser ses actes, soit de les annuler et de les considérer de manière isolée, dans l’espace et dans le temps. 
 
Pour illustrer ces formes d’œillères mentales par lesquelles le névrosé obsessionnel focalise son attention sur un détail pour éviter de voir sa propre agressivité, prenons l’image d’une agression quotidienne à petits coups de cure-dents. 
 
Si le coup porté par ce petit bâtonnet à bout pointu peut causer un simple dérangement, nous pouvons concevoir que sa répétition au quotidien peut finir par faire couler le sang. 
 
Mais quand le conjoint se rend compte de la souffrance que produit l’accumulation de cette agressivité masquée qui s’exprime par petite touches, quand il repère enfin le cure-dent dans la main de son compagnon ou de sa compagne, ce dernier peut alors facilement se défausser de sa responsabilité : « Tu exagères, ce n’est qu’un coup de cure-dent ! »
 
Considéré alors comme un manipulateur ou même, selon les magazines « psy », comme un pervers narcissique, il nous faut bien préciser que le mode de défense par lequel le névrosé obsessionnel minimise ses actes n’est pas de l’ordre de la volonté. 
 
C’est un système défensif par lequel il se protège lui-même de certaines pensées, souvent agressives, qui lui sont insupportables. 
 
Autrement dit, l’agressivité larvée de l’obsessionnel est déjà larvée pour lui-même, elle s’exprime à son insu.  
 
Du fait de l’isolation psychique, le névrosé obsessionnel tend à focaliser son attention sur des détails en rompant les liens logiques entre ce qu’il considère par ce prisme et les autres éléments. 
 
Si cette forme de perspective restreinte et bornée est au principe même de la pensée obsessionnelle, soit des obsessions et des ruminations, il s’agit de se rendre compte qu’elle engendre, à son insu, des erreurs de raisonnement. 
 
Pour filer notre métaphore du cure-dent qui représente ici l’expression de l’agressivité larvée, nous pouvons alors concevoir que le névrosé obsessionnel voit uniquement le coup de cure-dent repéré par le conjoint, inoffensif en soi, sans considérer, ni les milliers d’autres qui l’ont précédé, ni celui qu’il assène en même temps, à son insu, avec son autre main… 
 
En d’autres termes, tel un chercheur qui regarde dans un microscope sans jamais lever la tête, le névrosé obsessionnel ne voit que la goutte d’eau qui fait déborder le vase. 
 
Si cette modalité défensive peut facilement donner l’impression qu’il est de mauvaise foi, elle peut s’avérer particulièrement troublante pour le conjoint, engendrant ainsi un sentiment d’incompréhension douloureux de la part des deux membres du couple. 
 
Menant au silence et au renfermement, ces lectures bornées et les fonctionnements absurdes qu’elles engendrent peuvent devenir un enfer pour le névrosé obsessionnel et son couple, ceci d’autant plus qu’il peut facilement se montrer susceptible, têtu et rancunier. 
 
Ainsi, l’agressivité larvée dans la névrose obsessionnelle et son expression à l’égard du conjoint peut générer une grande souffrance, tant pour le névrosé lui-même que pour celui ou celle l’accompagne. 
 
Pouvant également déborder sur les enfants et sur l’entourage social du névrosé, cette agressivité larvée et les lectures isolées qui empêchent de la considérer ne sont pas non plus sans conséquences au sein de la société. 
 
Donc, à la différence de l’agressivité dans l’hystérie qui s’avère particulièrement voyante, bruyante, et particulièrement agaçante, notamment pour le conjoint, le caractère rétentif de l’agressivité obsessionnelle semble avoir des effets d’autant plus pernicieux qu’elle passe inaperçue. 
 
Comme pour l’autre grande névrose où l’agressivité est plus manifeste, le sabotage silencieux que produit la névrose obsessionnelle n’est pas non plus une fatalité. Il se traite dans le cadre d’une psychothérapie et d’une psychanalyse. Au fur et à mesure de la cure, soit au fur et à mesure de cette découverte par laquelle le patient ou le psychanalysant dévoile notamment l’agressivité contre laquelle il se défend, sa colère larvée tend à se dissiper au profit d’un rapport plus apaisé, tant à lui-même qu’à l’égard de son conjoint et de son entourage de manière plus générale. 
 
Si vous souhaitez en savoir davantage sur le traitement de la névrose obsessionnelle ou/et si vous pensez avoir une agressivité contenue qui vous fait souffrir et qui fait souffrir ceux que vous aimez, n’hésitez pas à me contacter directement.
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