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Projet des milles premiers jours, lettre ouverte au Ministre de la Santé, à Paris 9ème

Projet des milles premiers jours, lettre ouverte au Ministre de la Santé, à Paris 9ème

Cher Monsieur le Ministre,
 
Je vous adresse ce courrier sur recommandation de Monsieur TAQUET que j’ai eu l’honneur de rencontrer brièvement lors de la réunion du 30 mars 2022 dans le IXème arrondissement de Paris où il est intervenu.  
 
Lors de cette soirée, Monsieur le Ministre nous a fait part du travail important que vous êtes en train de mettre en place, le projet des 1000 premiers jours. Celui-ci m’a paru lumineux à bien des égards mais il m’a semblé cependant achopper sur un point non négligeable, celui du soin psychique des parents.
 
Monsieur le Ministre a mis en exergue plusieurs études récentes qui témoignent que le mal être des enfants est lié directement au mal être de leurs parents. En tant que psychothérapeute confronté au quotidien à la souffrance des enfants et de leurs parents et en tant que lecteur de Françoise Dolto, de Maud Mannoni ou encore de Mélanie Klein, je ne peux qu’être sensible au discours du Ministre. Cependant, si la pratique clinique atteste effectivement que le bien-être des enfants dépend en premier lieu de celui de leurs parents, l’offre publique de soin actuelle n’est pas à la hauteur du projet ambitieux que vous portez pour les enfants de France et pour leurs parents. D’ailleurs, Monsieur le Ministre a lui-même qualifié la pédopsychiatrie et la psychiatrie de « champ en ruine » et il a très bien remarqué que la problématique qui affecte le champ de la santé mentale n’est pas uniquement une question de moyen financier. Et il a raison.
 
Le soin psychique a ceci de particulier qu’il implique directement le psychisme du soignant dans le soin qu’il promulgue, si bien que la qualité du soin dépend littéralement de l’équilibre psychique du clinicien. Autrement dit, il est structurellement impossible pour un psychothérapeute de soigner son prochain s’il ne se soigne pas lui-même. Cette articulation logique suppose donc que la formation du psychothérapeute, qu’il soit psychiatre ou psychologue, ne soit pasuniquement universitaire ou théorique, elle nécessite que le soignant puisse lui-même faire sa propre cure.
 
Or si cette problématique clinique a été mise en lumière par Freud dès 1910, cette question délicate du soin des soignants constitue encore aujourd’hui un tabou important au sein du champ médico-psychologique. Elle n’en demeure pas moins être à la source du fonctionnement chaotique du champ de la santé mentale : clivages indépassables entre obédiences, recours excessifs à la médicamentation, à l’hospitalisation, aux arrêts maladies, poids des croyances et des superstitions,etc., vous êtes bien placés pour connaitre ces dysfonctionnements et pour savoir que ce sont aujourd’hui les enfants qui paient le prix de ces dérives.  
 
Si la prise en compte de cette problématique du soin des soignants apparait donc inévitable pour pouvoir poser les jalons d’une politique de santé publique qui soit à la hauteur du projet que vous portez pour les Français, j’aimerais vous faire part à présent d’une réponse concrète qu’apporte le docteur Fernando de Amorim à travers l’association qu’il a fondée en 1997, le Réseau pour la Psychanalyse à l’Hôpital (RPH). Au sein de cette École de psychanalyse, il est demandé à tous les cliniciens, qu’ils soient psychologues ou psychiatres, de faire et de poursuivre leur propre cure dès lors qu’ils occupent la position de psychothérapeute ou de psychanalyste.
 
Avec un recul de plus de 20 ans, il est possible de dégager les résultats de l’expérience que mène l’association, notamment à travers le dispositif de la Consultation Publique de Psychanalyse (CPP) qui a été créée pour suppléer aux impasses que rencontrent les CMP ou les CMPP. À la différence de ces derniers où le travail des cliniciens est financé par de l’argent public, le fonctionnement de la CPP ne coûte rien à l’État – il lui rapporte même de l’argent – mais surtout, il est beaucoup plus efficace pour les Français qui en ont bénéficié : d’un côté, le patient accepte de régler un petit quelque chose pour la séance de psychothérapie (5, 10 euros par exemple) et d’un autre, le clinicien accepte de recevoir au sein de son cabinet des patients qui n’ont pas les moyens de payer ses honoraires habituels.  
 
Les résultats de l’expérience sont concluants. Tout d’abord, à la différence du suivi dans un CMP ou dans un CMPP, la psychothérapie n’est pas limitée à raison d’une séance par semaine voire d’une séance par mois comme c’est le cas dans certaines institutions, les patients peuvent être accueillis plusieurs fois par semaines, même le week-end si leur état le requiert. Cette différence quant au rythme des séances et quant à l’investissement du clinicien est essentielle pour la réussite du traitement mais ce n’est pas le seul facteur de réussite : en demandant aux patients d’investir une somme symbolique, ces derniers se responsabilisent et s’investissent davantage dans leur travail psychothérapeutique si bien que celui-ci est plus fécond.
 
Non seulement, ce dispositif ne coûte rien à l’État, il lui évite un gaspillage de fond public important mais il lui est davantage profitable à plusieurs niveaux : les patients qui consultent dans le cadre de la CPP sortent plus facilement de leur situation de précarité, ils n’ont plus besoin des aides de l’État, font moins usage d’arrêts maladie, ne sont pas hospitalisés, consomment beaucoup moins de traitements médicamenteux et s’insèrent beaucoup mieux dans la vie de la société.
 
Les résultats de l’expérience sont donc largement positifs, tant pour les patients dont la santé mentale se voit largement améliorée, pour les enfants qui bénéficient directement du bien-être de leurs parents mais aussi pour les cliniciens qui mesurent les effets et vivent dignement de leur travail : plus le traitement psychique fonctionne, mieux les patients gagnent leur vie et peuvent ainsi rémunérer les cliniciens à hauteur de leurs honoraires.  
 
En 2021, les 23 cliniciens membres de la CPP ont assuré pas moins de 79.503 consultations, ils ont reçu 1.837 patients différents et ont déclarés 1.985.039 euros de revenus globaux.  
 
Cette expérience qui se cantonne en majeure partie à quelques arrondissements de Paris pourrait facilement être tentée à une échelle plus importante et être évaluée tout aussi aisément.
 
Je serai très honoré, au nom du RPH-École de psychanalyse, de pouvoir vous présenter plus en détail les résultats de ces travaux qui constituent une réponse concrète à la crise actuelle que traverse le champ de la santé mentale.
 
Restant à votre entière disposition pour vous fournir tout renseignement complémentaire que vous souhaiteriez recevoir, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.
 
 
 
 
Julien Faugeras
Secrétaire Général Adjoint du RPH



 
 
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